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La stratégie périlleuse du régime qatari, qui s'emploie à miner les institutions marocaines sous couvert de défendre la cause palestinienne alors qu'il entretient des relations suivies avec Tel-Aviv
Tout en prétendant incarner la voix morale du monde arabe face aux tragédies de Gaza, le Qatar déploie une stratégie d'influence tentaculaire fondée sur le double discours, mêlant soutien officieux au Hamas, manœuvres médiatiques contre les Etats arabes rivaux et infiltration des plus hautes sphères du pouvoir israélien. Alors qu'il active ses relais pour vilipender le rapprochement entre le Maroc et Israël, l'émirat se trouve aujourd'hui éclaboussé par un scandale de corruption mettant en cause deux proches collaborateurs de Benyamin Netanyahou, accusés d'avoir perçu des fonds qatariens pour redorer l'image de Doha en pleine guerre à Gaza. Ce deux-poids-deux-mesures, à la fois cynique et méthodique, met à nu une diplomatie fondée non sur des principes, mais sur le détournement illégitime des causes les plus sensibles. La multiplication de discours hostiles relayés par certaines tribunes médiatiques affiliées aux cercles d'influence qataris où la question palestinienne sert désormais de paravent commode à une entreprise de mise en cause des choix souverains du Maroc, est certainement ce qui retient l'attention depuis quelques jours. À la faveur de la participation symbolique d'éléments israéliens aux exercices militaires African Lion 2025, conduits conjointement par les Forces armées royales (FAR) et les Etats-Unis, ces voix s'emploient à présenter cet événement sous de sombres couleurs, surtout sur les réseaux sociaux Facebook et X (ex-Twitter), et à travers des vecteurs de diffusion orientée basés à Londres. Un article publié ce 4 juin par Middle East Eye, sous la plume de Tewfik Hamel, illustre cette posture : «Le régime [marocain] échange une légitimité symbolique contre des gains stratégiques, au risque d'une implosion politique.» Une thèse formulée dans des termes alarmistes, qui occulte mal le dessein réel : substituer au débat légitime une mise en procès idéologique de la monarchie. Un moralisme de convenance L'auteur évoque, dans une prose sensationnelle, la présence de la brigade Golani sur le sol marocain, en omettant de rappeler que Rabat n'a jamais cessé de réaffirmer son soutien indéfectible à la cause palestinienne dans toutes les enceintes multilatérales. Il passe également sous silence le fait que le Qatar, tout en se posant en héraut de cette cause, héberge une base militaire américaine, entretient des relations commerciales structurantes avec Israël et s'est gardé de toute rupture diplomatique avec Tel-Aviv. Tewfik Hamel avance que «la monarchie sacrifie l'unité intérieure sur l'autel du réalisme géopolitique», sans jamais évoquer le contexte régional ni le rôle actif du Maroc dans la stabilité sahélo-méditerranéenne. Rabat, fidèle à sa tradition de modération, agit en responsabilité, dans la continuité de ses principes, sans rompre avec les équilibres moraux qui fondent son action. Il ne s'agit pas d'une rupture, comme l'insinue l'auteur, mais d'une adaptation réfléchie aux mutations de l'ordre international. Qatargate : Doha infiltre le sommet de l'appareil israélien L'ironie veut que, tandis que certains cercles inféodés au Qatar dénoncent les relations entre Rabat et Tel-Aviv, l'Etat hébreu lui-même soit secoué par un scandale d'influence d'une tout autre ampleur. Le bureau de Benyamin Netanyahou, Premier ministre d'Israël, est aujourd'hui éclaboussé par des révélations accablantes : deux de ses proches conseillers ont été arrêtés en avril, soupçonnés d'avoir perçu des fonds en provenance de Doha pour promouvoir une image favorable de l'émirat au sein de l'opinion israélienne. Baptisée Qatargate par la presse israélienne, l'affaire implique Jonatan Urich, conseiller en communication de longue date et Eli Feldstein, ancien porte-parole. Tous deux sont accusés d'avoir mis en place une campagne de relations publiques pour valoriser le Qatar alors que celui-ci menait, dans le même temps, des négociations pour le compte du Hamas dans le dossier du cessez-le-feu à Gaza. Les fonds auraient transité par l'intermédiaire d'un lobbyiste américain, qui aurait également poussé à diffuser des récits défavorables à l'Egypte, pourtant autre médiateur clé du conflit. L'un des journalistes interrogés dans le cadre de l'enquête, Zvika Klein, rédacteur en chef du Jerusalem Post, a été invité par le gouvernement qatari l'année dernière avant de publier une série d'articles nuançant les accusations israéliennes à l'encontre de Doha. Il lui est désormais interdit de s'exprimer publiquement. Une double rhétorique démasquée Le Qatar, qui nie soutenir le Hamas, tout en se présentant comme médiateur dans les négociations, se trouve aujourd'hui exposé. Les conseillers de M. Netanyahou, selon les autorités judiciaires israéliennes, pourraient faire face à des inculpations pour contact avec un agent étranger, blanchiment d'argent, corruption, fraude et abus de confiance. Plus encore que les faits eux-mêmes, c'est la légèreté avec laquelle une puissance étrangère a pénétré les cercles les plus fermés du pouvoir israélien qui inquiète. «C'est un détournement manifeste de l'autorité publique», avait déclaré Tomer Naor, de l'organisation Movement of Quality Government in Israel. La diffusion de messages favorables au Qatar, prétendument émanant du bureau du Premier ministre, laisse entrevoir une tentative délibérée de manipuler l'opinion par des circuits clandestins. Le Maroc, cible d'un discours en miroir Ce dévoiement des mécanismes d'influence et cette vile utilisation de la cause palestinienne résonnent avec d'autant plus d'acuité que c'est précisément le Maroc qui en subit les attaques les plus véhémentes. Les critiques adressées à Rabat par des relais proches du Qatar s'inscrivent dans un double langage désormais manifeste où les indignations morales ne servent que les ambitions de puissance. Quant aux manifestations relevées dans certaines villes marocaines, elles relèvent d'une vitalité démocratique que peu de pays arabes peuvent revendiquer sans contorsion. L'existence du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, que le texte cite abondamment, témoigne non pas d'une dislocation du tissu social mais de la liberté reconnue à l'expression dissidente dans un cadre social sain. Là encore, le silence est assourdissant sur le sort réservé, ailleurs, aux protestations publiques. Les textes publiés par Middle East Eye – et plus largement les relais qataris – n'a pas pour objet la défense de Gaza, mais bien la fragilisation d'un Maroc très puissant dont la souveraineté agace et dont le poids dérange plus encore. Si Rabat poursuivra, dans la sérénité, la défense de ses intérêts supérieurs, sans renier les principes qui fondent sa parole et son engagement dans le concert des nations, il restera vigilant face à ce funambulisme diplomatique émanant d'un pays aux positions très équivoques, et parfois hostiles.